L'audacieux portrait
Découvrez l'Institut Gaston Berger grâce à un
portrait audacieux et original réalisé par Trafalgar !
"À tous les insaliens et insaliennes :
En 1957, je posais la première pierre de cet édifice bien étudié qu’est l’Institut National des Sciences Appliquées. Je constate avec joie que tous les petits cailloux qui lui ont succédé, ont permis aux élèves-ingénieurs témoignant d’une vocation, de poursuivre leur marche de liberté. Alors que j’observe fièrement le trajet de ce modèle - unique dans le paysage des grandes écoles - je vous entends déjà penser : « Qui c’est, lui, Gaston Berger ? ». Si l’on me présente comme « père fondateur » ou « père de la prospective », je sais que certains me prennent encore pour un amphithéâtre ou un arrêt de tramway. Qu’importe, je n’ai jamais souhaité que vous fassiez de moi la figure tutélaire des discours de rentrée.
Philosophe d’abord, entrepreneur par la suite, je ne suis pas partisan des discours moralisateurs nourris d’anecdotes poussiéreuses. Je fais surtout partie de ceux qui pensent que la croyance que rien ne change provient soit d'une mauvaise vue, soit d'une mauvaise foi*. Alors, plutôt que d’espérer que vous récitiez par cœur les points fondamentaux de votre modèle, je souhaite que vous en gardiez suffisamment pour valoriser ensemble, votre héritage. Ne me cherchez pas devant vous sous prétexte d’une hiérarchie, pas plus derrière vous pour une question de chronologie ; regardez ! Tel un compagnon fidèle, je marche juste à vos côtés. Je partage avec vous l’horreur du panneau « stop », cette sensation de reculer, et surtout le plaisir des actions courageuses et bien menées : la création de l’Institut Gaston Berger, en est une significative. Je suis fier que ce dernier se présente comme l’incarnation de ma philosophie et de mon projet.
Agissant comme une véritable clef de voûte, cette structure est portée, depuis 2015, par une communauté qui a, elle aussi, l’énergie de prendre soin du modèle INSA, mais surtout l’audace de le confronter aux problématiques actuelles. Là-bas, on ne fait pas qu’observer et penser. Il est un espace dans lequel on aime se rappeler que regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l’avenir le bouleverse* ! Vos professeurs ont raison de vous sensibiliser à la notion d’« ingénieur-humaniste » car, loin de se présenter comme un slogan emprunté, elle rappelle que la technique suppose la culture, c’est à dire, le sens de l’humain*. Et le goût de demain ! Car demain ne sera pas comme hier, et sera moins à découvrir qu’à réinventer*. Alors...
« Sortez du troupeau » ! Il paraît que l’herbe semble toujours plus verte dans le jardin d’à-côté. Elle l’est surtout chez celui qui sait cultiver son jardin et dépasser son champ de compétences. Chez celui qui prend de la graine tout en refusant de cultiver la masse. Chez celui qui a saisi son pouvoir de transformation du monde et qui s’est promis d’être ingénieur, sans risquer d’être ingénu. Ils peuvent donc continuer de se tricoter les neurones, ceux qui se contentent de voir votre excellence scientifique disciplinaire, comme l’atout cotonneux de l’ingénieur discipliné. Loin de la meute, conservez comme un trésor cette rigueur technique que tout le monde vous envie, mais n’oubliez pas de creuser vos talents. Ce n’est qu’en sortant de leur pelote qu’ils vous permettront de tisser votre richesse culturelle et créative. Je l’affirme, et sans rougir : les ingénieurs sont aussi des artistes, des sportifs, des entrepreneurs, capables de faire rayonner leurs techniques, du corps et de l’esprit.
C’est vrai, dans ce monde qui se montre parfois artificialisé, les avancées technologiques n’en finissent pas d’accélérer. Alors, chaque fois que les machines vous mettront au défi de devenir des sur hommes, pensez à garder le contrôle. Prenez du recul sur vos responsabilités et n’oubliez jamais de mettre de la valeur dans tous les objets efficaces que vous allez fabriquer. Si l’ingénieur d’hier était surtout un constructeur, faites qu’il se présente, grâce à vous, comme un penseur capable d’anticiper, de projeter et de manager. Chaque fois que le troupeau tentera de vous mettre au pas, osez sortir du rang, osez-vous lancer sur un nouveau tracé, loin des chemins trop empruntés qui ne mènent nulle part.
Si l’héritage philosophique et historique que vous avez reçu est précieux, il doit surtout vous rappeler que le monde n’est pas verrouillé pour celui qui sait se donner les clés pour s’inventer. Tout n’est pas si facile, et il vous faut parfois essuyer nombre de difficultés. Mon rôle reste alors de vous encourager à faire œuvre à votre rythme, pourvu que vous me promettiez de ne jamais vous résigner. Pas même d’imaginer l’entrée de l’Institut Gaston Berger comme de grandes portes infranchissables ou trop fermées. Les enjeux de demain qu’il porte, ne pourront pas gravir les marches du progrès si vous ne vous donnez pas le temps et les moyens de monter ses escaliers. En annonçant la création de l’INSA, pour insister sur ce qui avait été bâti collectivement, j’ai souvenir d’avoir utilisé la métaphore de la cathédrale. S’il est important de toujours rester humble face à la science, autorisez-vous à avoir de l’ambition et à donner du pouvoir à vos actions.
Votre école, cet Institut National, n’évoluera qu’avec vous car les sciences resteront toujours des sciences humaines et sociales, des sciences appliquées dans lesquelles il fait bon de s’impliquer.
Mes Amitiés,
Gaston Berger"